Dans le tumulte des Jeux Olympiques de Berlin en 1936, une histoire d’amitié transcendant les frontières, physiques et culturelles, est née entre deux hommes admirables : l’Américain Jesse Owens et l’Allemand Carl « Luz » Long. Leur rencontre sur la piste d’athlétisme de Berlin allait marquer un moment indélébile dans l’histoire du sport et de l’humanité.
Image de propagande nazie sur l’inégalité des races: les responsables de la propagande nazie font croire à leur public que les images – et en particulier les photographies – parlent d’elles-mêmes : « Bilder sprechen! », c’est le commentaire qui accompagne une brochure de propagande sur la politique raciale… L’amitié entre Owens et Long viendra contrecarrer cette idéologie mortifère.
Un homme noir boit à un distributeur d’eau réservé aux « gens de couleur » à un terminal de tramway en 1939, à Oklahoma City. Owens dira: « À mon retour aux États-Unis, je ne pouvais pas m’asseoir à l’avant des autobus, je devais m’asseoir à l’arrière, je ne pouvais pas vivre là où je le voulais. »
Le moment le plus mémorable de leur rencontre survint lors de l’épreuve de saut en longueur. Owens, ayant « mordu » ses deux premiers essais était au bord de l’élimination. C’est alors que Long lui offrit un précieux conseil technique qui permit à Owens de se qualifier pour la finale. Dans un face-à-face épique, Owens remporta l’or avec un saut de 8,06 mètres, tandis que Long décrocha l’argent avec 7,87 mètres. Après la cérémonie de remise des médailles, Owens et Long marchèrent bras dessus, bras dessous dans le stade, symbole d’une amitié naissante.
Il semblerait que cette anecdote, rapportée par Owens en 1964, ne soit qu’une des légendes entourant ses exploits, potentiellement créée par Owens lui-même par amitié pour Long. En 1965, Tom Ecker, historien et auteur de « Olympic Facts and Fables », interroge Owens sur la véracité de cette histoire. Après avoir examiné les films tournés en 1936, Ecker ne trouve aucune preuve visuelle corroborant l’anecdote. Owens avouera alors avoir fabriqué cette histoire pour faire plaisir au fils de Long. En réalité, il reconnaît ne pas avoir rencontré Long avant la fin de la compétition, moment où ils sont devenus amis.
Malgré la pression du régime nazi, qui interdisait toute interaction entre les athlètes allemands et non-aryens, Owens et Long cultivèrent une amitié qui traversa les frontières. Long fut réprimandé par les officiels nazis pour avoir passé du temps avec Owens en dehors des compétitions. Pourtant, leur lien continuait de se renforcer, et Long écrivit même une lettre émouvante à Owens pendant la guerre, exprimant son souhait que leur amitié inspire les générations futures à rechercher la paix et la compréhension entre les peuples.
Le podium de l’épreuve du saut en longueur, JO de Berlin, 1936
Tragiquement, la vie de Long prit fin lorsqu’il fut blessé mortellement lors du débarquement en Sicile en 1942 pendant la Seconde Guerre mondiale. Mais son fils, Karl, entretint le lien avec la famille Owens, perpétuant ainsi l’héritage d’amitié et de respect mutuel laissé par son père.
L’histoire de Jesse Owens et de Carl « Luz » Long reste un exemple inspirant de la capacité de l’amitié à dépasser les différences culturelles, politiques et sociales. Leur amitié, forgée dans les moments les plus sombres de l’histoire, continue de rayonner comme un phare d’espoir et de fraternité pour les générations futures.
« J’ai la sensation que celle-ci sera ma dernière lettre, donc quand tu retourneras en Allemagne, une fois la guerre finie, va voir mon fils et dis-lui qui était son père, je t’en prie, Jesse, raconte-lui comment deux hommes, sur cette terre, peuvent être amis » (Exrait d’une lettre de Luz Long à Jesse Owens)
Concours du « saut en longueur », Jeux Olympiques de Berlin 1936:
« Jesse Owens-Luz Long, le temps d’une étreinte », un film de Véronique Lhorme (2016)
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