Le violoncelliste Mstislav Rostropovitch devant le Mur de Berlin en 1989. © Emmett Lewis
Manifeste d’Humanité(s)
On nous traitera de naïfs, d’utopistes, de rêveurs. Qu’à cela ne tienne, nous le revendiquons. En effet, et plus que jamais par les temps qui courent, nous croyons…
Que les révolutions naissent d’une rencontre. Pour prendre ces seuls exemples, Nicolas Copernic serait certainement passé à côté de la théorie de l’héliocentrisme s’il n’avait assisté auparavant, à Bologne, l’astronome italien Domenico Maria Novara. Pas une ligne du Manifeste du parti communiste n’aurait été écrite si Karl Marx ne s’était lié d’amitié avec Friedrich Engels. Tandis que les Beatles seraient restés de parfaits inconnus si un ami commun n’avait, un jour, présenté Paul McCartney à John Lennon.
Nos rencontres, pourvu qu’elles soient authentiques, ont le pouvoir de nous rendre plus humains, audacieux et créatifs. Elles façonnent nos regards, imprègnent nos comportements, nuancent nos jugements, assainissent nos mentalités. À mesures que nous nous laissons transformer par elles, nous nous ouvrons au partage sous toutes ses formes : connaissance, biens matériels, travail, pouvoir.
Là où naissent les rencontres, la vie foisonne, les sociétés humaines s’édifient.
Chaque fois qu’une vraie rencontre a lieu entre l’autre différent de soi et nous-même, à l’échelle de nos deux êtres, le fantasme d’un supposé grand remplacement se dissout. L’aspiration au tout-sécuritaire s’évapore. La tentation du repli sur soi disparaît. Que cette onde bienfaisante se propage dans les diverses sociétés humaines et la pression se relâchera…
Les diplomaties renonceront à imposer leurs volontés de par le monde. Les forces de sécurité ne chercheront plus à voir un ennemi intérieur là où il n’y en a pas. Les gouvernements trouveront ridicule de montrer leurs muscles aux manifestants. Et les black blocs perdront un motif de s’en prendre aux fonctionnaires chargés du maintien de l’ordre.
En deçà et au-delà des frontières, les conflits désarmeront. « Diviser pour mieux régner »… politiques et éditorialistes mépriseront ce vieil adage de la discorde. Gourous et ennemis de la laïcité, face à l’inefficacité de leurs prêches, rendront leurs tabliers.
Aussitôt, les menaces s’en trouveront affaiblies, les budgets débarrassés de l’impératif de s’en protéger et les comptes publics régénérés. Voilà de quoi promettre l’argent des contribuables à des placements porteurs d’espoir (renforcement des services publics, montée en puissance de la transition écologique, budgets alloués à la préservation de la biodiversité, à la politique culturelle, etc.) et les générations qui viennent à un avenir.
Pour toutes ces raisons, nous appelons les conseils municipaux à réinstaller des bancs publics, les artistes, poètes et écrivains à peupler nos imaginaires de l’utopie toujours nouvelle de la rencontre et leur ministère de tutelle à les accompagner dans cette tâche.
Nous appelons les salariés qui le peuvent à chômer un troisième jour par semaine et les associations de solidarité à recruter, parmi ces derniers, de nouveaux bénévoles.
Nous encourageons, en conséquence, les patrons à embaucher. À augmenter significativement les salaires tout en plafonnant le niveau des rémunérations au sein des organisations. À instaurer, au travail, un climat propice à la préservation de la qualité des liens humains.
Dans ce même esprit, nous invitons les conseils d’administration à rémunérer les dirigeants en fonction de leur capacité à satisfaire toutes les parties prenantes de l’entreprise (salariés, fournisseurs, clients, banques, actionnaires, État, planète). Nous invitons les actionnaires à renoncer à des rendements financiers élevés. Les pouvoirs publics à instaurer un impôt progressif.
Pour toutes ces raisons, enfin, nous appelons nos lecteurs à s’engager à nos côtés afin qu’avec eux nous contribuions à diffuser, partout où nous le pourrons, un élan profond, généreux et, nous l’espérons, salutaire. Afin que de nos efforts à tous jaillisse et se répande…
Une authentique culture de la rencontre.
Le 7 juillet 2024
Guilhem Dargnies
“I have a dream” – Martin Luther King, Washington, D.C. (1963)
“Imagine all the people sharing all the world” – John Lennon, Imagine (1971)
« Hiroshima, mon amour » de Alain Resnais (1959)